Minute, papillon !
Minute, papillon ! de Jean-Pierre Martinez
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L’espérance de vie d’un papillon n’est parfois que d’une journée. Pendant ces 24 heures, il papillonne de fleur en fleur, pour vivre pleinement son existence et assurer sa descendance. Si nous finissons centenaires, nous aurons vécu 36 000 vies de papillons. Qu’aurons-nous fait de chaque jour ?
Jusqu’à 26 personnages (hommes et femmes). – Deux personnages par saynète – Distribution variable
Humour absurde.
Théâtre édité aux Editions La Comédiathèque
ISBN 9782377052431
Septembre 2016
74 pages ; 18 x 12 cm ; broché. Prix TTC : 9,90 €
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Deux personnages. Le premier est en train de pêcher. Un autre arrive.
Un – Ça mord ?
Deux – J’en ai déjà pris un, regarde.
Un – Ah oui, il est énorme.
Deux – On le fera griller pour midi.
Le premier regarde autour de lui, l’autre garde le regard rivé sur son bouchon.
Un – Regarde ce papillon, comme il est beau. Je n’en avais jamais vu de pareil, et toi ?
Deux – Non.
Un – Demain, il sera mort.
Deux – Comment tu le sais ?
Un – Les papillons ne vivent que quelques jours. Une seule journée, parfois. Certains ont une vie tellement brève qu’ils ne sont même pas pourvus d’une bouche pour se nourrir.
Deux – Eh ben moi, j’ai déjà les crocs...
Un – C’est une belle journée pour vivre. Et pour mourir. C’est un beau papillon...
Deux – Et c’est un beau poisson.
Un – Notre repas de midi est assuré.
Deux – On fera des patates avec.
Un – La mer est calme.
Deux – C’est bon les patates.
Un – Le soleil brille.
Deux – Et puis c’est vite fait.
Un – Alors on a bien une heure devant nous...
Deux – Une heure ? On a toute la vie, devant nous !
Un – On pourrait se baigner ?
Deux – J’en pêche encore un autre, pour ce soir, et on y va, d’accord ?
Un – Tu as toujours peur de manquer, toi. Les poissons ne vont pas s’en aller !
Deux – Je préfère en profiter, pendant que ça mord.
Un – D’accord.
Deux – Rien de neuf ?
Un – Non.
Deux – Une journée ordinaire, en somme.
Un – Oui.
Un temps. Le premier regarde vers l’horizon, tandis que l’autre surveille son bouchon.
Deux – Je crois que j’ai une touche... Ah non, c’est le vent...
Un – Le ciel est complètement dégagé. On voit jusqu’au bout du monde.
Deux – Oui.
Un – Tu crois vraiment que c’est la fin du monde ?
Deux – Quoi ?
Un – Là-bas, derrière l’horizon.
Deux – Je ne sais pas... C’est ce qu’on dit. Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?
Un – Je ne sais pas... Le début d’un autre monde...
Deux – Tu réfléchis trop...
Un – Tu as raison.
Deux – Regarde ce lever de soleil !
L’autre regarde vers l’horizon.
Un – Ça au moins, ça ne changera jamais... (Il continue de regarder et son sourire se fige.) C’est quoi, ce bateau, au loin ?
Deux – Où ça ?
Un – Là-bas, là où un nouveau jour se lève.
Deux – Je ne vois rien. Ça m’éblouit.
Un – Mets la main devant tes yeux.
Deux – Ah oui... Je le vois maintenant... Il est très loin, non ?
Un – Nos pêcheurs ne vont pas si loin.
Deux – On dirait qu’il se rapproche.
Un – Oui... On le voit un peu mieux que tout à l’heure.
Deux – Il est vraiment très grand...
Un – Nos bateaux de pêche ne sont pas aussi gros.
Deux – Qu’est-ce qu’on fait ? On va prévenir le chef ?
Un – Attends un peu... Il y en a un autre.
Deux – On dirait qu’il y en a trois.
Un – Un grand, un moyen et un petit.
Deux – Le plus grand a trois mâts.
Un – Les nôtres n’en ont qu’un seul.
Deux – C’est un bateau énorme.
Un – Il se rapproche.
Deux – Il faut donner l’alerte.
Un – Attends, j’essaie de voir ce qu’il y a de dessiné sur la coque.
Deux – Oui... On dirait que quelque chose est écrit.
Un – Dans une langue inconnue.
Deux – Je vais reproduire ça sur une ardoise pour le montrer au chef. Il saura peut-être ce que ça veut dire.
Il trace quelque chose sur une ardoise.
Un – Fais voir.
L’autre lui montre l’ardoise.
Deux – Ça ne veut rien dire.
Il montre l’ardoise à la salle. C’est inscrit « Santa Maria ».
Un – On va aller prévenir les autres.
Deux – Oui, j’ai l’impression qu’on a de la visite... Ça doit être une tribu voisine...
Un – On leur donnera quelques patates, et ils repartiront chez eux.
Deux – Et s’ils veulent pêcher. La mer est à tout le monde... et ce n’est pas le poisson qui manque.
Un – On ira se baigner après.
Deux – Le monde ne va pas s’arrêter de tourner.
Un – Et d’après notre calendrier, la fin du monde n’est pas pour tout de suite.
Ils sortent.