Juste un instant avant la fin du monde
Juste un instant avant la fin du monde de Jean-Pierre Martinez
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Trois personnes qui ne se connaissent sont convoqués pour participer à un jury populaire. C’est en tout cas ce qu’on leur a dit. Mais le lieu où on les a réunis n’est pas un tribunal. Ils apprennent qu’ils sont là pour décider ensemble comment gérer les conséquences d’une catastrophe inévitable qui doit frapper le monde dans un futur très proche. Les opinions divergent, et de nombreux rebondissements viennent relancer le débat. Tout au long de ce spectacle immersif, le public sera appelé à exprimer aussi son avis pour les aiguiller dans leurs choix, afin qu’ils prennent la meilleure décision possible pour faire face à la pire des situations imaginables.
Distribution : 4 comédiennes ou comédiens
Ouvrage publié aux Editions La Comédiathèque
ISBN 9782377054749
Octobre 2020– 57 pages ; 18 x 12 cm ; broché. Prix TTC : 13,00 €
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La scène est vide à l’exception de trois chaises, une table et un réfrigérateur. Max arrive, un masque sanitaire blanc sur le nez et la bouche, et un bandeau noir sur les yeux. Il est guidé par Sam. Max est issu d’un milieu populaire. Il est habillé en conséquence. Sam est habillé en noir et peut porter des lunettes noires. Il a sous sa veste un holster garni d’un pistolet, qu’on ne verra pas tout de suite.
Max – Ça y est, on est arrivés ?
Sam – Asseyez-vous là.
Sam fait asseoir Max sur une chaise.
Max – Et les yeux bandés, c’est pour quoi au juste ?
Sam – Vous pouvez retirer le bandeau, maintenant.
Max – Et le masque ?
Sam – Le masque aussi.
Max retire son bandeau et son masque.
Max – Non mais ça rime à quoi, ce cirque ?
Sam – Ne vous inquiétez pas, vous le saurez bientôt.
Max – Ne vous inquiétez pas ? Comment voulez-vous que je ne m’inquiète pas ? Je reçois une convocation à la gendarmerie parce que j’ai été tiré au sort pour être juré d’assises. Arrivé là-bas, on me met un bandeau sur les yeux, on m’embarque dans un fourgon, et on m’emmène jusqu’ici sans aucune explication. On est où d’abord ?
Sam – Si on a pris la précaution de vous bander les yeux, ce n’est pas pour vous dire maintenant où nous sommes. Ça n’aurait pas de sens, reconnaissez-le...
Max jette un regard autour de lui.
Max – Ça ne ressemble pas à un tribunal... (Désignant le public, un ton plus bas) Et c’est qui, tous ces gens ? Le public qui va assister au procès ?
Sam – Je vous expliquerai tout ça quand les autres seront arrivés.
Max – Les autres ? Vous voulez dire... le reste du jury ?
Sam – Le reste du jury, c’est ça...
Max – Et on sera combien, exactement ?
Le portable de Sam sonne.
Sam – Excusez-moi.. (Dans le téléphone) Sam... D’accord... OK, j’arrive... (Il range son portable.) Je vous laisse un instant. Si vous avez soif, il y a des boissons fraîches dans le frigo.
Max – Merci...
Sam sort. Max regarde à nouveau autour de lui. Il fait le tour de la scène. Il regarde le public. Après une hésitation, il ouvre le frigo, et jette un coup d’œil à l’intérieur. Il prend une canette de bière, l’ouvre et boit une gorgée. Il semble apprécier. Il s’approche alors du public, et s’adresse à quelqu’un.
Max – Vous savez pourquoi on est là, vous ?
Si la personne à laquelle il s’adresse répond, petite improvisation pour clore la conversation. Sam revient, accompagnant Fred et Alex. Elles portent toutes les deux un masque sanitaire et ont les yeux bandés. Fred est habillée de façon assez élégante. Alex, pour sa part, a un look de rockeuse.
Sam – On est arrivés. Vous pouvez retirer les bandeaux.
Alex – Ce n’est pas trop tôt...
Fred – Les masques, aussi ? On étouffe...
Sam – Allez-y.
Alex – J’espère qu’en ouvrant les yeux, on ne va pas apercevoir un peloton d’exécution.
Fred – Ou alors un gâteau d’anniversaire... C’est peut-être une blague, après tout.
Sam – Ce n’est pas une blague, je vous assure.
Fred – D’ailleurs, ce n’est pas mon anniversaire.
Elles ôtent toutes les deux leur bandeau, clignent des yeux, un peu éblouies, et regardent autour d’elles. Elles retirent aussi leurs masques.
Alex – Où est-ce que qu’on est ?
Fred – On est au tribunal ? Le public est déjà là...
Alex – Ce n’est pas nous qu’on va juger, au moins ?
Max a toujours sa bière à la main.
Max – Pourquoi on nous jugerait ? Je n’ai rien fait, moi !
Sam – On ne vous accuse de rien, rassurez-vous. Et ce n’est pas vous qu’on va juger.
Fred – On va juger qui, alors ?
Alex – Des terroristes ? C’est pour ça que vous prenez autant de précautions ?
Max – Eh ! Je n’ai pas signé pour ça, moi ! Je tiens à ma peau.
Sam – On ne va juger personne.
Fred – Alors qu’est-ce qu’on fait là ?
Alex – On nous a dit qu’on avait été tirés au sort pour un jury d’assises.
Sam – On vous a dit pour un jury. Pas pour un jury d’assises.
Fred – Quel genre de jury, alors ?
Max – Sûrement pas le jury pour l’élection de Miss France...
Le portable de Sam sonne à nouveau. Il répond.
Sam – Sam... Oui... OK, j’arrive... (Remettant son portable dans sa poche) Excusez-moi, je reviens tout de suite...
Il sort. Les autres s’observent mutuellement, méfiants. Et regardent autour d’eux.
Fred – C’est un peu crasseux, pour un tribunal, non ?
Max – Je ne sais pas... Un tribunal... Jusqu’ici, je n’ai encore jamais eu l’occasion d’en voir un. Et vous ?
Fred – Moi non plus...
Alex – Vous avez trouvé à boire ?
Max – Dans le minibar. Allez-y, servez-vous...
Alex – Je vais attendre un peu... Je préfère connaître d’abord les tarifs du room service...
Max – Parce que vous croyez que c’est payant ?
Alex – Je me méfie, c’est tout.
Fred – Vous êtes arrivé avant nous. Vous êtes là depuis longtemps ?
Max – Cinq minutes, même pas. Alors vous êtes comme moi, vous n’en savez pas plus.
Fred – Non.
Alex – On nous a même confisqué nos téléphones. On est complètement coupés du monde.
Fred – Si j’avais su ce matin, en partant de chez moi, que je me retrouverais embarquée dans une telle aventure...
Max – Vous venez d’où, vous ?
Ils s’observent à nouveau prudemment.
Alex – La question ce n’est pas vraiment d’où on vient, mais où on est.
Fred – Et qu’est-ce qu’on fait ici.
Max – On a été tirés au sort, il paraît.
Alex – Ouais... Pour un jury d’assises. Mais il vient de nous dire qu’on n’était pas là pour juger quelqu’un. Alors on a quelques raisons de ne pas croire tout ce qu’on nous raconte.
Fred sort un papier de sa poche et le regarde.
Fred – C’est vrai que sur la convocation, ce n’est pas clairement précisé que c’est pour un jury d’assises...
Max – Ouais... mais c’est ce qu’on a tous compris.
Fred – Un papier à en-tête de la République, une convocation à la gendarmerie pour faire partie d’un jury. N’importe qui aurait compris ça.
Max – Et puis un jury d’assises, ce n’est pas seulement trois personnes, si ?
Alex – C’est une douzaine, je crois.
Fred – Ah oui, c’est vrai. Comme dans le film.
Max – Quel film ?
Alex – Douze hommes en colère.
Fred – C’est ça. Ils doivent décider s’il faut condamner à mort un innocent qui est accusé de meurtre.
Max – Je ne connais pas...
Alex – Et comme par hasard, l’accusé est un Noir.
Fred – Non, c’est juste un pauvre gosse de 18 ans.
Max – Vous l’auriez condamné, vous ?
Fred – Je ne sais pas... Il faut d’abord connaître le dossier, non ?
Max – Moi, la peine de mort, je suis pour.
Alex – Même pour les innocents ?
Max – Les innocents ? À les entendre, tous les salopards qui sont en prison sont des innocents.
Alex – Eh ben... Ça promet...
Silence pesant.
Max – Douze, vous êtes sûres ?
Fred – Il y en a peut-être d’autres qui vont arriver...
Alex – De toute façon, vous avez entendu. Il a dit que ce n’était pas pour ça.
Max – Si ce n’est pas pour un procès, c’est pour quoi ?
Fred (plus bas en désignant le public) – Et eux, ils savent pourquoi ils sont là ?
Max – Je leur ai demandé. Ils n’ont pas l’air d’être au courant non plus...
Fred – Alors il n’y a plus qu’à attendre... (Silence) Si on doit passer un peu de temps ensemble, autant qu’on se présente. Je m’appelle Fred, et vous ?
Max – Max.
Alex – Alex.